J.-M. Wagner et F. Noo
Ce travail concerne le problème de la reconstruction d'une image 3D à partir de projections coniques. Il trouve ses applications dans le domaine de la tomodensitometrie par transmission de rayons X ou par émission monophotonique. Utiliser une géometrie de projections coniques dans ce domaine permet d'une part d'améliorer la résolution des images reconstruites, et d'autre part d'accélérer le processus d'acquisition des mesures. En imagerie médicale, ce dernier point est particulièrement critique car il correspond à une réduction des artefacts dus au mouvement du patient, ainsi qu'à une augmentation de la rentabilité du scanner, augmentation qui résulte de l'accroissement du nombre de patient pouvant être examinés en un temps donné. Voir [5] pour une description de la géométrie de projections coniques.
La reconstruction d'une image 3D à partir de projections coniques s'effectue généralement en deux étapes. La première étape consiste en une conversion des mesures en intégrales de l'image sur des plans de l'espace . La seconde étape consiste a reconstruire l'image 3D à partir de ses intégrales de plan. On notera que les plans pris en compte peuvent être échantillonnés de façon arbitraire pour autant qu'ils couvrent correctement la région d'intérêt de l'image. Ici, nous sommes intéressés par le développement d'un algorithme qui permet d'effectuer cette seconde étape rapidement tout en fournissant des images de bonne résolution.
Comme méthode rapide et précise déjà développée, on cite couramment la méthode linogramme (voir [2]). Cette méthode est en effet très performante mais présente toutefois ses limites. Celles-ci se situent au niveau du volume où la reconstruction est exacte. Que la région d'intérêt soit de forme cubique ou de forme cylindrique (les deux formes couramment considérées), la méthode linogramme ne permet pas de reconstruire exactement la totalité de cette région dans des conditions d'échantillonnage optimales.
Afin d'essayer d'améliorer les performances de la méthode linogramme classique, Kudo et Saito proposèrent en 1995 une méthode linogramme modifiée (voir [4]). Cette méthode a l'avantage d'être plus rapide mais conduit aussi à un volume de reconstruction exacte réduit. Dans [2], il fût montré que le gain en temps de calcul est inférieur à la perte en volume, ce qui relativise l'intérêt de la méthode linogramme modifiée.
Dans ce travail, nous nous basons sur les idées de Kudo et Saito afin de développer une nouvelle méthode linogramme qui est aussi rapide que la méthode linogramme classique mais permet d'accéder à un volume de reconstruction exacte plus grand dans des conditions d'échantillonnage optimales, que la région d'intérêt soit cubique ou cylindrique. Nous appelons cette méthode la méthode linogramme octogonale.
Soit , l'image 3D à reconstruire. Le principe de base des méthodes linogrammes, classique ou modifiée, est de calculer à partir de sa transformée de Fourier échantillonnée sous une forme spéciale.
Tout d'abord, on décompose l'espace de Fourier de en sous-espaces dont la réunion forme . A chaque sous-espace , on associe ensuite un système d'axes et la fonction dont la transformée de Fourier est nulle en dehors de et identique a celle de sur . Les fonctions sont nos inconnues. La fonction s'obtient par simple sommation et rotation de ces fonctions.
Chaque fonction est calculée par inversion de sa transformée de Fourier échantillonnée via les coordonnées ( ) décrites a la figure 1. L'échantillonnage se fait à ( ) constants. Les échantillons de la transformée de Fourier de sont ainsi disposés sur des grilles rectangulaires concentriques perpendiculaires à l'axe . Par le théorème coupe-projection de la transformée de Radon 3D (voir [1] et [2]), on peut montrer que ces échantillons sont directement accessibles à partir d'intégrales de plan de . Ces intégrales correspondent à des plans arrangés dans l'espace de façon bien spécifique, appelée ``échantillonnage linogramme''. Elles peuvent être aisément obtenues via les projections coniques de .
Vu la position particulière des échantillons de la transformée de Fourier de , il est impossible de reconstruire celle-ci directement par transformée de Fourier inverse classique. Un schéma d'inversion plus subtil doit être considéré.
Le schéma de reconstruction de est décrit à la figure 2. On part de , c'est-à-dire d'un échantillonnage linogramme des intégrales de plan de (à la figure 2, chaque point noir représente initialement un plan, ou plutôt la projection de l'origine du système d'axes sur ce plan). La première étape de l'algorithme est d'utiliser le théorème coupe-projection de la transformée de Radon 3D pour trouver la transformée de Fourier de en coordonnées . Ensuite, on (i) applique un filtre parabolique dans la direction , (ii) effectue une transformée Chirp-z en puis en , ce qui modifie les variables et en les variables et , (iii) applique une transformée de Fourier 1D inverse qui modifie en . Le résultat de ces 3 opérations est .
La méthode linogramme classique [2] décompose l'espace de Fourier de l'image en 6 pyramides à base carrée () dont la réunion forme un cube. Celle de Kudo et Saito [4] décompose l'espace de Fourier de l'image en 12 pyramides identiques à base pentagonale () dont la réunion forme un dodécaèdre. La méthode linogramme octogonale que nous proposons décompose l'espace de Fourier de l'image en 10 pyramides () dont 2 sont à base octogonale et 8 à base rectangulaire, comme montré à la figure 3.
Intuitivement, au vu de la figure 3, on peut déjà sentir que la méthode linogramme octogonale est bien adaptée pour reconstruire des objets à support cylindrique orientés selon l'axe .
Le tableau 1 fournit les valeurs de quelques grandeurs qui permettent de comparer les performances des méthodes linogrammes classique, modifiée et octogonale. Ces grandeurs sont (i) le nombre d'intégrales de plan, normalisé à 1 pour la méthode classique, (ii) le temps de calcul, normalisé à 1 pour la méthode classique, (iii) la fraction de la région cubique d'intérêt où la reconstruction est exacte, et (iv) la fraction de la région cylindrique d'intérêt où la reconstruction est exacte. On observe que la méthode octogonale est plus performante que la méthode classique en de nombreux points.
Nous montrons le résultat de la reconstruction du fantôme de Shepp-Logan (voir [2]) sur une grille 128 x 128 x 128 pour la méthode classique (figure 4) et la méthode octogonale (figure 5). Ce fantôme est couramment utilisé pour tester la précision des algorithmes. On voit que la méthode octogonale est aussi précise que la méthode classique.
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