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5.3.4 Antennes simples

L'étude des doublets est intéressante car elle éclaire le fonctionnement des mécanismes de calculs des champs.

En plus de leur fonction de guide d'onde, une ligne non blindée ou un micro-ruban rayonnent une partie de leur énergie dans l'air. Il ne s'agira pas pour autant de s'en servir comme antenne car leurs propriétés au rayonnement ne le justifient pas. On peut usiner des structures métalliques ou diélectriques de manière à rayonner efficacement dans l'air avec, en plus, la possibilité de définir des directions privilégiées.

5.3.4.1 Doublet de HERTZ

Le doublet électrique ou doublet de HERTZ constitue une structure d'antenne simplifiée: un élément de courant infinitésimal de longueur dl est parcouru par un courant décrit par le phaseur $ \hat{{I}}$ supposé constant (en amplitude et en phase) sur toute sa longueur. La figure 5.1 montre un doublet placé dans un système d'axes cartésien et sphérique.

Figure 5.1: Doublet électrique.
6239  

L'antenne raccordée à un doublet générateur crée des ondes électromagnétiques en tout point d'observation P repéré par une distance r définie par rapport à l'origine. Si le doublet est aligné sur l'axe z, le potentiel vecteur se réduit à

$\displaystyle \hat{{A}}_{{z}}^{}$ = $\displaystyle {\frac{{\mu_{0}}}{{4\pi}}}$$\displaystyle \hat{{I}}$dl$\displaystyle {\frac{{e^{-j\beta_{0}r}}}{{r}}}$ (5.26)

En coordonnées sphériques, on en déduit

$\displaystyle \hat{{H}}_{{r}}^{}$ = 0 (5.27)
$\displaystyle \hat{{H}}_{{\theta}}^{}$ = 0 (5.28)
$\displaystyle \hat{{H}}_{{\phi}}^{}$ = $\displaystyle {\frac{{\hat{I}dl}}{{4\pi}}}$$\displaystyle \beta_{{0}}^{{2}}$sin$\displaystyle \theta$(j$\displaystyle {\frac{{1}}{{\beta_{0}r}}}$ + $\displaystyle {\frac{{1}}{{\beta_{0}^{2}r^{2}}}}$)e-j$\scriptstyle \beta_{{0}}$r (5.29)

Quant au champ électrique, il vaut

$\displaystyle \hat{{E}}_{{r}}^{}$ = 2$\displaystyle {\frac{{\hat{I}dl}}{{4\pi}}}$$\displaystyle \eta_{{0}}^{}$$\displaystyle \beta_{{0}}^{{2}}$cos$\displaystyle \theta$($\displaystyle {\frac{{1}}{{\beta_{0}^{2}r^{2}}}}$ - j$\displaystyle {\frac{{1}}{{\beta_{0}^{3}r^{3}}}}$)e-j$\scriptstyle \beta_{{0}}$r (5.30)
$\displaystyle \hat{{E}}_{{\theta}}^{}$ = $\displaystyle {\frac{{\hat{I}dl}}{{4\pi}}}$$\displaystyle \eta_{{0}}^{}$$\displaystyle \beta_{{0}}^{{2}}$sin$\displaystyle \theta$(j$\displaystyle {\frac{{1}}{{\beta_{0}r}}}$ + $\displaystyle {\frac{{1}}{{\beta_{0}^{2}r^{2}}}}$ - j$\displaystyle {\frac{{1}}{{\beta_{0}^{3}r^{3}}}}$)e-j$\scriptstyle \beta_{{0}}$r (5.31)
$\displaystyle \hat{{E}}_{{\phi}}^{}$ = 0 (5.32)

$ \eta_{{0}}^{}$ = $ \sqrt{{\frac{\mu_{0}}{\epsilon_{0}}}}$ = 120$ \pi$ = 377 [$ \Omega$] est l'impédance intrinsèque du vide. Remarquons que $ \beta_{{0}}^{}$r = 2$ \pi$(r/$ \lambda_{{0}}^{}$), ce qui définit une sorte de longueur électromagnétique de rayonnement normalisée.

Dans un système de coordonnées sphériques dont l'axe $ \theta$ = 0 est orienté parallèlement au doublet, le doublet rayonne un champ magnétique avec une polarisation orientée selon les petits cercles. L'amplitude du champ rayonné varie en fonction de la direction comme sin$ \theta$. Elle se compose d'un terme en 1/r et d'un autre en 1/r2. Leurs valeurs en amplitude sont égales lorsque r = 1/$ \beta_{{0}}^{}$ $ \simeq$ $ \lambda_{{0}}^{}$/6. À grande distance, notée R, le terme en 1/r contribue principalement au champ magnétique -c'est l'hypothèse dite du champ éloigné-; on obtient alors

$\displaystyle \hat{{H}}$ = $\displaystyle {\frac{{j\beta_{0}\hat{I}dl}}{{4\pi R}}}$sin$\displaystyle \theta$e-j$\scriptstyle \beta_{{0}}$R$\displaystyle \vec{{a}}_{{\phi}}^{}$ (5.33)

Sous la même hypothèse de champ éloigné, le champ électrique vaut

$\displaystyle \hat{{E}}_{{r}}^{}$ $\displaystyle \approx$ 0 (5.34)
$\displaystyle \hat{{E}}_{{\theta}}^{}$ = $\displaystyle {\frac{{j\eta_{0}\beta_{0}\hat{I}dl}}{{4\pi R}}}$sin$\displaystyle \theta$e-j$\scriptstyle \beta_{{0}}$R (5.35)

Ce qui montre que les champs magnétiques et électriques sont en phase et orthogonaux. De plus, ils sont égaux en norme au facteur d'impédance près. Aussi,

$\displaystyle \left\Vert\vphantom{ \hat{S}}\right.$$\displaystyle \hat{{S}}$$\displaystyle \left.\vphantom{ \hat{S}}\right\Vert$ = $\displaystyle {\frac{{\left\Vert \hat{E}_{\theta}\right\Vert ^{2}}}{{120\pi}}}$ (5.36)

La puissance rayonnée (phasorielle) est fournie par le vecteur de POYNTING:

$\displaystyle \hat{{S}}_{{av}}^{}$ = Re($\displaystyle \widehat{{E}}$×$\displaystyle \hat{{H}}^{{\ast}}_{}$) (5.37)

Après calcul, on obtient

$\displaystyle \hat{{S}}_{{av}}^{}$ = 30$\displaystyle \pi$$\displaystyle \left(\vphantom{\frac{dl}{\lambda_{0}}}\right.$$\displaystyle {\frac{{dl}}{{\lambda_{0}}}}$$\displaystyle \left.\vphantom{\frac{dl}{\lambda_{0}}}\right)^{{2}}_{}$$\displaystyle \left\Vert\vphantom{ \hat{I}}\right.$$\displaystyle \hat{{I}}$$\displaystyle \left.\vphantom{ \hat{I}}\right\Vert^{{2}}_{}$$\displaystyle {\frac{{\sin^{2}\theta}}{{R^{2}}}}$$\displaystyle \vec{{a}}_{{r}}^{}$ (5.38)

Ainsi, la puissance émise par unité de surface est dirigée le long de l'axe reliant le doublet au point d'observation.


Directivité et gain. On utilise souvent des représentations graphiques pour exprimer la directivité d'une antenne par un diagramme de rayonnement. Ce diagramme peut être représenté sous diverses formes.

Ce diagramme représente l'intensité du champ électrique ou la densité de puissance pour différents angles d'observation par rapport à l'antenne. On parle de diagramme de rayonnement absolu s'il est exprimé en termes d'intensité électrique $ \widehat{{E}}$ ou de densité de puissance $ \widehat{{S}}$. S'il est défini par rapport à une puissance de référence, on obtient le diagramme de rayonnement relatif5.2.

Une forme commune du diagramme de rayonnement est la représentation polaire qui donne la forme de la zone de portée de l'antenne. Le diagramme peut être composé d'un lobe principal et de lobes secondaires; dans ce cas, un paramètre définissant assez bien la directivité de l'antenne est l'angle d'ouverture du lobe principal à 3 [dB], $ \theta_{{3dB}}^{}$. Il est illustré à la figure 5.2.

Figure 5.2: Angle d'ouverture à 3 [dB].
6383  

Il est évident qu'une antenne directive économise la puissance de l'émetteur en concentrant celle-ci dans une direction préférentielle et apporte un gain. Intuitivement, on définit le gain dans une direction comme le rapport du vecteur de POYNTING dans cette direction à celui d'une antenne à rayonnement isotrope rayonnant la même puissance.

Revenons au doublet de HERTZ. Pour une distance R fixée, on peut dessiner une figure tridimensionnelle de l'amplitude de la puissance moyenne rayonnée; il s'agit du diagramme de rayonnement qui caractérise les propriétés de l'antenne au rayonnement et ses capacités à émettre dans une direction donnée. La figure 5.3 reprend le diagramme de rayonnement du doublet électrique. On remarquera la symétrie dans le plan de l'équateur et la dépendance en sin$ \theta$.

Figure 5.3: Diagramme de rayonnement d'un doublet électrique.
6395  

La puissance totale rayonnée est l'intégrale de $ \widehat{{S}}$ sur une surface incluant le doublet. En choisissant une sphère de rayon R, on obtient5.3

Prad = $\displaystyle {\frac{{1}}{{2}}}$$\displaystyle \oint_{{s}}^{}$$\displaystyle \widehat{{S}}$ . ds (5.39)
  = 80$\displaystyle \pi^{{2}}_{}$$\displaystyle \left(\vphantom{\frac{dl}{\lambda_{0}}}\right.$$\displaystyle {\frac{{dl}}{{\lambda_{0}}}}$$\displaystyle \left.\vphantom{\frac{dl}{\lambda_{0}}}\right)^{{2}}_{}$$\displaystyle {\frac{{\left\vert I\right\vert^{2}}}{{2}}}$ (5.40)

Résistance de rayonnement. La résistance fictive de rayonnement est le rapport de la puissance rayonnée par l'antenne et du carré de l'intensité du courant (exprimé en valeur efficace si le courant est représenté par un phaseur) alimentant l'antenne

Rr = $\displaystyle {\frac{{P_{rad}}}{{i^{2}}}}$ (5.41)

C'est la résistance qui, en lieu et place de l'antenne, dissiperait la même puissance que la puissance rayonnée par l'antenne. Par l'équation 5.40, on calcule une résistance équivalente au rayonnement valant 80$ \pi^{{2}}_{}$$ \left(\vphantom{\frac{dl}{\lambda_{0}}}\right.$$ {\frac{{dl}}{{\lambda_{0}}}}$$ \left.\vphantom{\frac{dl}{\lambda_{0}}}\right)^{{2}}_{}$. Cette résistance représente une résistance fictive qui dissipe la même puissance qu'émet un doublet électrique. Les performances du doublet sont cependant médiocres. Par exemple, pour un doublet de longueur dl = 1 [cm] et une fréquence de 300 [MHz] ( $ \lambda_{{0}}^{}$ = 1 [m]), la résistance équivalente vaut 79 [m$ \Omega$]. Pour rayonner une puissance de 1 [W], il faut donc un courant de 3, 6 [A]!

5.3.4.2 Doublet magnétique

Un calcul équivalent à celui du doublet de HERTZ peut être mené pour une boucle parcourue par un courant. La structure ainsi obtenue porte le nom de doublet magnétique (cf. figure 5.4).

Figure 5.4: Doublet magnétique.
6444  

Son rayonnement est également médiocre. On peut ainsi montrer que le vecteur de POYNTING vaut, en champ éloigné,

$\displaystyle \hat{{S}}$ = 2×1860$\displaystyle \left(\vphantom{\frac{A}{\lambda_{0}^{2}}}\right.$$\displaystyle {\frac{{A}}{{\lambda_{0}^{2}}}}$$\displaystyle \left.\vphantom{\frac{A}{\lambda_{0}^{2}}}\right)^{{2}}_{}$$\displaystyle \left\Vert\vphantom{ \hat{I}}\right.$$\displaystyle \hat{{I}}$$\displaystyle \left.\vphantom{ \hat{I}}\right\Vert^{{2}}_{}$$\displaystyle {\frac{{\sin^{2}\theta}}{{R^{2}}}}$$\displaystyle \vec{{a}}_{{r}}^{}$ (5.42)

A est l'aire de la boucle de courant [14, page 509-511]. Il en résulte une puissance de rayonnement de


Prad = $\displaystyle {\frac{{1}}{{2}}}$$\displaystyle \oint_{{s}}^{}$$\displaystyle \hat{{S}}_{{av}}^{}$ . ds (5.43)
  = 15, 585$\displaystyle \left\vert\vphantom{I}\right.$I$\displaystyle \left.\vphantom{I}\right\vert^{{2}}_{}$$\displaystyle \left(\vphantom{\frac{A}{\lambda_{0}^{2}}}\right.$$\displaystyle {\frac{{A}}{{\lambda_{0}^{2}}}}$$\displaystyle \left.\vphantom{\frac{A}{\lambda_{0}^{2}}}\right)^{{2}}_{}$ (5.44)

À nouveau, pour une boucle de courant de rayon égal à 1 [cm] et une fréquence de 300 [MHz] ( $ \lambda_{{0}}^{}$ = 1 [m]), la résistance équivalente vaut 3, 08 [m$ \Omega$]. Pour rayonner une puissance de 1 [W], il faut à cette fois un courant de 18 [A]!

5.3.4.3 Antennes longues

La raison pour laquelle le doublet de HERTZ rayonne mal tient en partie à sa petite longueur. Le remède imaginé a consisté à allonger le dipôle.

Le principe de fonctionnement intuitif est celui d'une ligne parallèle dont on écarterait progressivement les conducteurs, tel que représenté à la figure 5.5.

Figure 5.5: Distributions de courant le long d'une antenne longue.
6485  

Des ondes de courant et de tension, prises sinusoïdales, parcourent la ligne et contribuent à un champ électromagnétique dont la phase respective des grandeurs électriques d'excitation est fonction de la position du doublet infinitésimal le long de l'antenne. La figure 5.6 reprend la forme de l'onde de courant d'excitation le long de l'antenne.

Figure 5.6: Configuration géométrique pour le dipôle allongé.
6494  

L'interprétation telle qu'envisagée, à savoir l'ouverture d'une ligne parallèle et addition des champs rayonnés par une succession de segments infinitésimaux, conduit à un résultat analytiquement correct. Après calculs, le champ électrique à grande distance vaut

$\displaystyle \hat{{E}}_{{\theta}}^{}$ = $\displaystyle {\frac{{60\hat{I}_{m}e^{-j\beta_{0}R}}}{{R}}}$$\displaystyle {\frac{{\cos(\pi l/\lambda_{0}\cos\theta)-\cos(\pi l/\lambda_{0})}}{{\sin\theta}}}$$\displaystyle \vec{{a}}_{{\theta}}^{}$ (5.45)

On remarque que la forme du diagramme de rayonnement est fonction de la longueur d'onde alors que, précédemment, $ \lambda_{{0}}^{}$ n'intervenait qu'au niveau de l'amplitude. Le tableau 5.2 illustre ce phénomène pour une fréquence fixe mais pour une longueur d'antenne variable.


Tableau 5.2: Diagrammes de rayonnement (du champ électrique) bidimensionnels et tridimensionnels pour le dipôle allongé avec, respectivement, l = $ {\frac{{\lambda _{0}}}{{2}}}$, l = $ \lambda_{{0}}^{}$ et l = $ {\frac{{3\lambda _{0}}}{{2}}}$.
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L'antenne longue la plus utilisée est l'antenne demi longueur d'onde, l = $ {\frac{{\lambda _{0}}}{{2}}}$, ce qui correspond à un champ électrique

$\displaystyle \hat{{E}}_{{\theta}}^{}$ = $\displaystyle {\frac{{60\hat{I}_{m}e^{-j\beta_{0}R}}}{{R}}}$$\displaystyle {\frac{{\cos(\pi/2\cos\theta)}}{{\sin\theta}}}$$\displaystyle \vec{{a}}_{{\theta}}^{}$ (5.46)

maximum dans le plan horizontal ( $ \theta$ = 90o).

En pratique, l'antenne demi longueur d'onde se réduit à une antenne quart d'onde au-dessus d'un plan de masse conducteur. Pour cette dernière, la résistance de rayonnement vaut

Rrad = 36, 5 [$\displaystyle \Omega$] (5.47)

Pour obtenir la puissance réellement dissipée par l'antenne, il faudra encore considérer la résistance interne de la force électromotrice d'alimentation et la résistance des conducteurs d'alimentation, car c'est à l'adaptation conjuguée que le transfert de puissance sera maximum.

5.3.4.4 Réseaux d'antennes

L'antenne longue seule permet d'assurer une directivité en $ \theta$. Par contre, le diagramme de rayonnement est isotrope dans le plan de la terre. Comme il est souvent nécessaire d'orienter le rayonnement dans une certaine direction, on recourt à des réseaux d'antennes, formés d'une série d'antenne longues reliées entre elles avec un courant d'alimentation déphasé. Ce déphasage (noté $ \alpha$) déterminé en fonction de la longueur inter-antennes et montré à la figure 5.7, est à l'origine de la modification de l'allure du diagramme de rayonnement dans le plan de terre.

Figure 5.7: Réseau d'antennes.
6569  

La figure 5.8 montre les diagrammes de rayonnement dans le plan de terre pour différents rapports $ \lambda_{{0}}^{}$/d.

Figure 5.8: Diagrammes de rayonnement.
6579  



Notes

... relatif5.2
Si l'on exprime les diagrammes en [dB], il n'y a plus de différence d'allure entre un diagramme qui représente $ \widehat{{E}}$ ou $ \widehat{{S}}$.
... obtient5.3
Lorsqu'on utilise des phaseurs, il faut tenir compte des valeurs efficaces (c'est-à-dire la valeur de crête divisée par $ \sqrt{{2}}$) pour le calcul des puissances. En effet, la puissance réelle d'un dipôle vaut $ {\frac{{V}}{{\sqrt{2}}}}$ $ {\frac{{I}}{{\sqrt{2}}}}$ = $ {\frac{{VI}}{{2}}}$V et I sont des valeurs de crête, autrement l'amplitude des sinusoïdes. Pour éviter toute confusion, nous noterons $ \left\vert\vphantom{E}\right.$E$ \left.\vphantom{E}\right\vert$ pour la valeur de crête du phaseur $ \widehat{{E}}$.

Marc Van Droogenbroeck. Tous droits réservés.
2005-03-11